Rue de la chaufferette

La rue de la chaufferette, une ruelle au coeur du quartier gay, semble un lieu où cohabitent des messages ambigus, voire contradictoires. D’une part, la ruelle est fermée la nuit par des grilles, vraisemblablement pour éviter les usages festifs ou intimes de la communauté LGTBQI, (le lieu se prêtant assez bien à la drague ou plus si affinités). D’autre part, elle arbore une série de fresques qui sont un appel à la tolérance à cette même communauté, qui représentent des sujets allant de la diversité des genres et des préférences sexuelles, au harcèlement pour ces mêmes raisons.

       
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Canon EOS 500D
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16-03-2018 13:42:44
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Canon EOS 500D
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16-03-2018 13:44:10
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iPhone 6s Plus
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50.846827777778
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4.3493055555556
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16-03-2018 12:22:55

Lors d’une de nos marches exploratoires, nous sommes interpellés par la présence de grilles qui permettent de fermer la rue de la chaufferette et l’impasse Madrille. Notre premier questionnement a été de se demander si les grilles avaient été mises pour éviter l’appropriation des lieux par la communauté LGBTQI durant la nuit, pour des usages festifs ou intimes (le lieu se prêtant assez bien à la drague ou plus si affinités). En effet, la rue de la chaufferette et l’impasse de la Madrille se trouvent dans l’épicentre du quartier gay du centre-ville, un lieu où l’espace public est approprié par la communauté LGTBQI. Quelques mètres plus loin, nous avons repéré une série de fresques à l’intérieur de cet ilôt. Celles-ci représentent plusieurs sujets, allant de la diversité des genres et des préférences sexuelles, au harcèlement pour ces mêmes raisons et semblent un appel à la tolérance. Il est intéressant de noter que ces fresques se situent dans un lieu également investi par des pratiques de graff, de tag et de stickers plus sauvages dont on peut imaginer que certaines (l’inscription puro amor par exemple) vont déjà dans ce sens. Elles se trouvent en face du centre de l’égalité des chances de la Ville de Bruxelles. Une hypothèse émerge, formulée par Giulietta et adoptée par les autres : il est possible que les fresques aient été placées là pour envoyer un message de tolérance à la communauté LGBTQI, malgré les grilles qui empêchent certains de ses membres de se l’approprier. Dès lors, est-il possible que les fresques aient été réalisées alors que les grilles existaient déjà, pour “adoucir” leur fonction répulsive? Dans tous les cas, il y a une forme d'ambiguïté entre ces fresques qui en appellent à la tolérance et ces grilles, qui, la nuit venue, empêchent la présence de ses usagers habituels.

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10-05-2018 15:45:42
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10-05-2018 15:44:00
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14-05-2018 11:28:53

En regardant les photos de notre première observation de plus près, et en consultant Internet, je découvre que les fresques (2015) sont antérieures aux grilles (2017). Notre première hypothèse est donc une fausse piste. Cependant, les “messages” que les grilles et les fresques envoient (et les effets escomptés) continuent à nous sembler contradictoires. J’approfondis l’enquête. Qui est derrière chacune de ces interventions dans l’espace public? Et pourquoi? Les fresques ont été réalisées à l’initiative de la “Rainbow house”, une association située non loin de là (rue marché aux charbons), qui abrite différentes associations francophones et néerlandophones LGBTQI de la région de Bruxelles. Cette initiative a été mise en oeuvre par Urbana, et soutenue par l’AB, huis van de mens, la Ville de Bruxelles et divers Echevins. Je m’étonne que la Cellule pour l’égalité des chances, située juste en face, ne soit pas mentionnée sur l’encart situé à côté des fresques. Je découvre aussi qu’une des fresques « kid escaping homo-bullying »(garçon fuyant le harcèlement homophobe) de l’artiste Fotini Tikkou a fait l’objet d’une controverse dans la communauté LGTBQI, comme en témoigne l’article dans la DH: “Rue de la Chaufferette où se trouvent de très nombreux bars et boîtes de nuit gay, cette dernière fresque est loin de faire l’unanimité. On la trouve plutôt contre-productive et l’on craint qu’au lieu de susciter plus de tolérance, elle ne banalise les insultes envers les homosexuels”. En discutant avec Greg, nous nous faisons par ailleurs la réflexion que les fresques, malgré leur taille et leurs couleurs vives, ont été placées dans une ruelle étroite et confidentielle, au sein du quartier gay, où elles ne “prêchent” probablement que des convaincus. Ne ratent-elles pas dès lors leur objectif de sensibilisation? En ce qui concerne les grilles, elles semblent avoir été installées par la Ville de Bruxelles et sa Régie Foncière, propriétaire des lieux, dans le cadre d’un Contrat de Quartier Durable (lequel?). Elles semblent, selon ce que j’ai pu lire sur le site du Comité de quartier Saint-Jacques, répondre à une demande des riverains. Sur le site de Marion Lemesre, Echevine des Affaires économiques à la Ville de Bruxelles, on y apprend qu’effectivement, l’ilot chaufferette possède divers aménagements et est le théâtre de divers usages qui occasionnent des nuisances : « ornée d’une pissotière immonde placée par la salle de spectacle de la Communauté flamande (A.B.), d’une canisette aussi inutile que dégoûtante, entre tags et odeurs d’urine, repaire de dealers, « vomitorium et baisodrum » pour fêtards… sous les fenêtres des riverains, il s’en passe de toutes les couleurs à la Rue de la Chaufferette ! ». Bien qu’on puisse voir dans la formule « de toutes les couleurs » une allusion à la communauté LGTBQI, aucune mention spécifique n’y est faite.

mars 2018

Author
Rafaella
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