Walking therapy
Giulietta a vu passer dans la presse un objet théâtral non-identifié: la Walking thérapie... "Théâtre pour rire"? "Safari urbain"? "Spectacle ambulatoire"? Qui se passe sur le piétonnier de Bruxelles en plus? Il n'en faut pas plus pour aiguiser notre curiosité.
Le jour J, un public qui ne sait pas à quelle sauce il va être mangé se retrouve derrière le KVS. Deux personnages, Jean-Yves et Francky, nous baladent en ville au gré d'une séance de coaching personnel, de thérapie du bonheur et de l'estime de soi, qui laisse petit à petit place à une histoire et une quête commune.
Une première chose qui m'a marquée dans cette pièce déambulatoire et participative, c'est le pouvoir de persuasion des deux acteurs/guides/animateurs, qui arrivent à embarquer le public avec eux, et à leur faire faire des choses a priori embarrassantes devant d'autres gens, surtout dans l'espace public. Certes, le public est complice: il sait qu'il prend part à une farce, une satyre. Cela étant dit, faire rire, chanter, courir, lever les mains une foule n'est pas chose aisée. C'est d'autant plus étonnant que la pièce commence par mettre le public très mal à l'aise: les deux acteurs alpaguent des membres du public sans ménagement, en les épinglant sur base de préjugés (âge, taille, couleurs de cheveux...), et on ne mesure pas jusqu'où ils sont prêts à aller. Ce n'est qu'au fur et à mesure qu'on se familiarise avec les guides, et avec le fait que le ton restera léger, que le public commence à leur faire confiance. Quelle est la clé de leur succès? Est-ce le soulagement éprouvé après un premier moment de sidération? Est-ce le fait de recevoir des "instructions" dans un casque? Le ton souvent pince-sans-rire mais néanmoins sans appel des guides? La force de l'histoire qui peu à peu se dessine et le sentiment d'empathie qu'elle suscite? L'effet de groupe?
Une seconde chose qui m'a marquée, c'est l'effet du spectacle sur les passant.e.s. Si certains étaient directement sollicités par les acteurs, invités à entrer dans la narration, beaucoup étaient surtout interpellés par l'action elle-même. Voir un groupe de gens courir ou assis sur des tabourets pliants à même la rue, faire semblant de rire à gorge déployée, voir les acteurs s'animer: voilà qui semblait intriguer de nombreux usagers de l'espace public, voire des gens chez eux qui observaient le spectacle depuis leurs fenêtres. L'un d'entre eux s'est même montré un peu agressif, avec des commentaires du style "c'est quoi ce cirque", d'autres étaient insistants, suivant le groupe et demandant des explications sur ce nous faisions.
Enfin, la troisième chose qui m'a marquée, c'est la réponse que m'ont donné les agents de quartier en charge d'assurer la bonne tenue de la déambulation à la question de savoir ce qu'ils pensaient de la pièce, de leur rôle, s'ils ne trouvaient pas tout ça un peu loufoque: "Ca change mais c'est très chouette".
Je précise que j'écris cette entrée en partie sur base des photos et vidéos, mais surtout de mémoire et sur base des souvenirs des deux personnes qui m'accompagnaient dans la thérapie, près de deux ans après les faits.